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- Adrian Le Roy, une ébauche de biographie
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- Entendre la guitare renaissance
- La construction d'une guitare renaissance
- La guitare renaissance: faire connaissance...
- 2 guitares renaissance


lundi 2 mai 2011

- Adrian Le Roy (1520-1598), une ébauche de biographie

 Devant le manque, et aussi le caractère parcellaire, éclaté entre diverses sources (françaises ou anglo-saxonnes) des informations relatives à la vie et l'oeuvre d'Adrian Le Roy, je me suis résolu à rassembler et organiser celles que je possédais, afin d'échafauder une ébauche de biographie (en français!) de cette figure essentielle du 16ème siècle quant à la guiterne et son répertoire. 


 

Ses origines 

Adrian Le Roy est né,  vers 1520, à Montreuil-sur-Mer (département du Pas-de-Calais), situé  à 40km de Boulogne-sur-Mer et 17 km du Touquet-Paris-plage.
 



Montreuil est cité pour la première fois en 894 dans les Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast. La ville, déjà fortifiée, devait son nom à un "petit monastère" (monasterolium).
En 988, Hugues Capet fait de Montreuil le seul port de mer de la monarchie française. Au début du 13ème siècle, Philippe Auguste, afin de protéger cette façade maritime de premier plan, édifie un puissant château royal, dont il reste aujourd'hui des éléments significatifs.

Tout comme Arras, Montreuil passe pour être une riche cité drapière du 11ème au 13ème. Ses industries et tanneries sont célèbres en Europe. La ville exportait alors ses draps dont la renommée rivalisait jusqu'en Italie avec ceux de Flandre ou d'Artois (on disait du montreuil comme on dit aujourd'hui du tulle)
 Par ailleurs, les 8 églises attirent les pèlerins grâce aux reliques -  pieusement vénérées au Moyen Age -  des corps saints, et donnaient un caractère de sainteté à la ville, qui comptera jusqu'à 10 000 habitants (pour moins de 3000 en 2006).

A la fin du Moyen Age, l'ensablement de la Canche (une rivière) entraîne le déclin de la ville. Le commerce maritime périclite, la ville se retranche sur elle-même.
En juin 1537 (Adrian Le Roy avait alors environ 17 ans), les troupes de Charles Quint et d'Henri VIII mettent le siège au pied de Montreuil. Contrainte de se rendre, la ville est en grande partie détruite.
En 1567, Charles IX ordonne alors l'édification d'une citadelle (voir photos) sur l'emplacement de l'ancien château du 13ème.

L'entrée de la citadelle

L'intérieur de l'enceinte militaire de la citadelle

La Tour Blanche de la citadelle

Vers 1670, Vauban perfectionna l'oeuvre de ses prédécesseurs en remaniant la citadelle et en y ajoutant une poudrière et un arsenal.
Façonnée au fil des siècles, cette ville fortifiée renferme aujourd'hui l'une des plus belles pages de l'histoire du Nord-Pas-de-Calais. Dominée par la citadelle (il faut citer aussi l'Abbatiale Saint-Saulve) et  ceinturée par 3km de remparts (ci-dessous), elle se distingue également par l'ambiance qui règne dans ses nombreuses rues pittoresques, témoins d'un riche passé médiéval.


Le Front Ouest des remparts de Montreuil


 Pour ce qui est de l'environnement familial d'Adrian Le Roy, on ne sait rien de sa fratrie (s'il en avait une). Quant à ses parents, une source nous indique qu'ils étaient de "riches  marchands du Nord de la France". Etaient-ils les descendants de cette période de cité drapière prospère? Simple supposition de ma part...
On ne possède pas  davantage de sources concernant ses études musicales et instrumentales,  hélas.

Ses premiers pas dans la haute société

Sait-on quand Adrian Le Roy quitte son Montreuil natal ? Il n'en est fait mention nulle part.

En revanche, des sources indiquent que, "jeune homme, il entre successivement au service de deux membres de l'aristocratie, Claude de Clermont, puis du fils de Jacques de Beaune (maire de Tours, 1498, trésorier d'Anne de Bretagne, 1491),   Guillaume de Beaune, baron de Semblançay et vicomte de Tours".

S'agissant de la famille Clermont, elle hérita du plus important comté de France, le comté de Tonnerre, au 15ème, grâce au mariage de Bernardin de Clermont avec Anne de Husson comtesse de Tonnerre. D'où le nom de "Maison de Clermont-Tonnerre", originaire du Dauphiné. 
 Claude de Clermont eut  pour seule fille, une certaine Claude-Catherine de Clermont, mieux connue sous le titre de duchesse de Retz, ou dame de Machecoul, qui tint salon (célèbre) à Paris après son deuxième mariage à partir de 1565. Un salon que fréquenta... Adrian Le Roy, nous en reparlerons. 

Un élément plus précis et daté intervient, nous dit une source, en mars 1546 (à 26 ans donc), lorsque Adrian Le Roy fait connaissance à Paris de l'éditeur Jean de Brouilly. Il lui achète un bien (quelques biens ? ) à Saint-Denis, et... épouse sa fille, Denise!
Peu après, Jean de Brouilly déménage et vient s'installer rue Saint Jean de Beauvais, actuellement rue Jean de Beauvais (voir photo), dans le quartier de la Sorbonne (cinquième arrondissement), une adresse qui allait devenir célèbre...

Rue Jean de Beauvais (Paris 5ème)















Un beau-père éditeur ? Tiens donc! La vocation professionnelle du musicien (qu'il était sûrement à cette période, sans que l'on en sache davantage) commence à se dessiner...


Editeur-imprimeur-luthiste-guitariste 

Le chemin est désormais tracé. Adrian Le Roy sera éditeur, imprimeur, compositeur,  luthiste et guitariste (on disait guiternier ou guyternier à l'époque). Pour ce faire, il reste en famille... et s'associe en 1549 avec son cousin Robert Ballard pour fonder une maison d'éditions, rue Saint Jean de Beauvais donc.
Deux ans après, le 14 août 1551, ils obtiennent un privilège - autrement dit, une autorisation exclusive -  du Roi (Henri II) pour imprimer et vendre  toutes sortes de livres  de musique,  "instrumentale et vocale".


Deux semaines après l'obtention de ce privilège, Adrian Le Roy et Robert Ballard publient un premier recueil (de luth),  puis quinze jours plus tard, un livre de tablatures de guitare - guiterre, écrivait Le Roy, quatre autres livres suivront, contenant des préludes, fantaisies, danses diverses, adaptations d'oeuvres vocales, etc. -,  ainsi qu'une instruction (une méthode, dit autrement) pour ce même instrument.

Ceci inaugurera une longue série de publications : 319 éditions et rééditions entre 1551 et 1598. Entre ces deux dates, on peut parler chez Le Roy d'entreprise systématique de diffusion de musique pour les cordes pincées.
Il publie non seulement des recueils de pièces, mais également des "Instructions" destinées à éclairer les amateurs sur la technique  et le déchiffrage des tablatures  des quatre instruments suivants : le luth, la guiterne, le cistre et la mandore (photos ci-dessous)

Le luth

La guiterne

Le cistre

La mandore

Aux 17 éditions pour le luth, viennent s'ajouter les 16 éditions pour la guiterne (9, livres et instructions, y compris les traductions en anglais),  le cistre (5), et la mandore (2).
L'oeuvre d'édition réalisée par Adrian Le Roy en faveur de la musique instrumentale est donc considérable. Cette activité se développe à Paris surtout durant les règnes de Henri II et Charles IX (rois de France respectivement de 1547 à 1559 et de 1560 à 1574.) Au cours des années qui suivent, le ralentissement devient très sensible.

Avec le Trésor d'Orphée d'Antoine Francisque, publié en 1600 par la veuve de Robert Ballard (décédé en 1588) et de son fils Pierre Ballard (puis de leurs descendants, Adrian Le Roy mourut sans enfants), commence une nouvelle activité pour l'édition parisienne de musique. Activité marquée par le succès, puisqu'elle continuera à dominer l'impression musicale française jusqu'au milieu du 18ème - avec les dérives du monopole qui s'y rattachent, ainsi que le souligne l'article suivant.

La lignée des Ballard, de père en fils










Adrian Le Roy continue toutefois son travail  de publication :  un ouvrage théorique en 1583, le Traicté de musique, avec des chapitres consacrés aux règles du contrepoint, des cadences, des modes, et quelques années plus tôt, en 1571, une autre oeuvre d'importance :  le Livre d'airs de cour miz sur le Luth, pour voix et accompagnement de luth. C'est la première fois en effet que le terme "air de cour" est utilisé. http://fr.wikipedia.org/wiki/Air_de_cour

Le cercle d'amis d'Adrian Le Roy

La dédicataire de cet ouvrage n'est autre que Claude-Catherine de Clermont, la fille de l'un des premiers protecteurs d'Adrian Le Roy, ainsi que vous l'avons déjà vu.


Son nom est parvenu jusqu'à nous, essentiellement à cause de son "salon vert de Dictynne", salon mondain qu'elle tint à Paris, face au Louvre, et où se réunirent les plus beaux esprits de l'époque, des poètes, mais aussi des peintres, des musiciens, des philosophes et des hommes politiques. http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Catherine_de_Clermont

Adrian le Roy était un familier de ce salon, où il y rencontre notamment Pierre de Ronsard. 
Il se lia d'amitié également avec les Pierre Certon, Jacques Arcaldet, Claude Le Jeune, Guillaume Costeley et Claude Goudimel, autant de compositeurs qui entretenaient la renommée de sa maison d'édition.

Mais l'ami qui compta le plus aux yeux d'Adrian Le Roy  fut le compositeur Roland de Lassus, dont les oeuvres sont éditées par la maison Le Roy-Ballard :  http://www.musicologie.org/Biographies/lassus_roland.html

Roland de Lassus


Au cours d'une visite à Paris, celui-ci séjourna chez Adrian Le Roy, lequel ne manqua pas de le présenter à la cour. Le compositeur wallon reçut une pension royale à partir de 1560, au début du règne de Charles IX, ce dernier disant son empressement que la  musique de Roland de Lassus soit imprimée, de crainte "qu'elle ne soit perdue."







Fin de l'histoire, Adrian Le Roy décède à Paris en 1598.



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